VONDERVOTTEIMITTIS
Série inédite pour Ever Magazine, publiée pour la première
fois le 28/10/13.
Vondervotteimittis est une série à part de mon travail, qui
met volontairement l’accent sur une esthétique très ”sténopé" ou
”daguerréotype", rappelant les clichés de Lewis Carroll ou de
Julia-Margaret Cameron. Elle tire son inspiration des mouvements gothique et
romantique anglais du XIXème siècle. Le titre en lui-même n’est autre qu’une
référence directe au nom d’une ville imaginaire inventée par Edgar Allan Poe
dans sa nouvelle « The devil in the belfry », contraction des termes anglais «
(I) wonder what time it is », « Je me demande quelle heure il est ».
Il est donc moins question ici de la mort que du passage du
temps. Ce temps, qui fane les fleurs et gèle les oiseaux, est une réalité qui
pèse évidemment sur toute personne pratiquant la photographie, en dépit de son
caractère abstrait et artificiel : on ne peut décemment pas se considérer comme
photographe si l’on n’est pas un tant soit peu travaillé par le temps. Dans
cette série, je cherche à renouer avec l’usage premier de la photographie,
appelée à juste titre l’art mélancolique, qui était d’embaumer les corps. Les
conserver, comme l’insecte dans l’ambre.
Cela a bien sûr à voir avec la mémoire, la notion de trace,
la conscience du vide. Ainsi, mes images embaument des corps : corps d’hommes,
corps animal, corps végétal, choses inertes aux couleurs sombres et passées,
comme vues au travers d’un linceul. Cette série peut se concevoir comme une
histoire, mais une histoire qui refuse de se dévoiler, une histoire qui semble
dire « vous pouvez voir ce que je vois, mais vous ne pouvez pas le ressentir ».
Hermétique. Certains y ont vu la lente progression d’un homme vers sa propre
mort. Pour ma part, j’ai perçu cette histoire comme un concentré de souvenirs
ressurgis brusquement, des flashes aléatoires de saisons froides et de « corps
», toute nature confondue, implacablement mis à nu.
Il est 17h05 selon mon horloge biologique, et le tic-tac des
horloges comtoises, dont on peut observer le balancier d’une seconde à l’autre,
apaise comme la pluie, mais crée aussi l’angoisse, et berce la folie en son
sein : il ne faut pas regarder les aiguilles trop longtemps.
« Les lumières éclairent ce corps, tandis que dehors, les
oiseaux grelottent au-dessus du lac. Ce contraste de chaleur intérieure,
intime, avec cet hiver glacial, étend la série au dessus d'un simple nu. La
peinture semble venir s'engouffrer pour dénuer de sens ces images, permettant à
chacun de se les approprier. Se souvenir d'une ballade, où le bruit étouffé de
nos pas dans la neige semble arrêter le temps. La mémoire d'une peau, longtemps
caressée, observée, admirée, qui nous réchauffait par son simple contact. »
(Solène Gabellec)
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